Chapitre 4
L’autre vampire s’était échappé. Dave s’en voulait de ne pas l’avoir personnellement enfermé dans la capsule, mais il avait été complètement désarçonné en voyant Belinda attaquer Zachary, ce qui était d’ailleurs le but de la manœuvre. Zachary était mort d’une hémorragie avant que Bones en ait fini avec le dernier vampire ; il n’avait donc pas pu venir à son secours à temps. Zachary nous avait laissé un testament – c’était la règle pour tous les membres du groupe – dans lequel il disait ne pas vouloir être ressuscité en tant que mort-vivant s’il était tué en mission. Le visage grave, nous honorâmes tous son souhait et nous l’enterrâmes.
J’appris qu’Ethan était orphelin, ce qui expliquait pourquoi ses parents ne s’étaient pas fermement opposés à ce qu’il joue le rôle de mon fils. Je fis promettre à Don de ne plus jamais l’utiliser, ni lui ni aucun autre enfant, pour participer à une mission aussi dangereuse, et de lui trouver de bons parents adoptifs. Si Don était capable de diriger une branche secrète du gouvernement destinée à chasser les morts-vivants, trouver une famille d’adoption à un orphelin ne devrait pas lui poser de problème.
Le grand jour arriva enfin pour Tate. Tout le monde était présent au QG. Seule une personne manquait à l’appel, son vol ayant été retardé à cause d’un problème technique. Annette, le premier vampire jamais créé par Bones, venait l’aider à transformer Tate.
C’est moi qui avais eu l’idée de la faire venir. Bones n’avait quasiment plus adressé la parole à Annette depuis que cette dernière avait tenté de me faire fuir à coups de détails sordides sur le passé de mon amant, mais je savais que leur brouille lui pesait. Je lui avais donc suggéré qu’Annette le relaie dans la cellule où Tate serait enfermé après sa transformation. Il faudrait à ce dernier peut-être une semaine avant d’arriver à maîtriser sa faim et à résister au besoin de se jeter sur la première veine qui passerait à sa portée. Aucun humain ne pourrait donc l’aider au cours de ces premiers jours. Dave s’était déjà porté volontaire, mais une troisième personne permettrait à Bones de faire des pauses de temps en temps. Et ce serait l’occasion pour Annette de se raccommoder avec lui. J’étais décidément une médiatrice hors pair.
Mais pour le moment, j’étais nerveuse. Dans une demi-heure, Bones allait tuer Tate, puis le ramener à la vie. Entre la morsure et la résurrection, il pouvait s’écouler une heure, ou plusieurs. Nous avions programmé l’événement pour 20 heures, juste après le coucher du soleil, au moment où Bones était au maximum de sa puissance. Transformer une personne était un acte épuisant pour un vampire, du moins d’après ce que j’avais entendu dire. C’était la première fois que j’en serais témoin.
Fidèle à lui-même, Don allait filmer la scène. Il avait même fait poser des électrodes sur la tête et la poitrine de Tate pour déterminer le moment précis de sa mort et surveiller son activité cérébrale. Bones secoua la tête en voyant cette installation high-tech, et demanda d’un ton acerbe si la séance serait également diffusée sur Internet. Don s’en fichait. Il comptait glaner toutes les informations disponibles pour pouvoir les étudier, sans le moindre remords.
Tate se trouvait dans une pièce sécurisée, dont la porte avait été renforcée par plusieurs verrous en titane. Une table d’opération on ne peut plus macabre y avait même été installée, assortie d’entraves elles aussi en titane. Bones avait dit à Don que toutes ces précautions étaient superflues, mais Don avait peur que Tate s’échappe et sème le chaos sur son passage. Tate était maintenant attaché à la table, vêtu d’un simple caleçon pour faciliter la pose des électrodes. Je me glissai dans la pièce pour le voir une dernière fois en tant qu’humain.
Un grand nombre de poches de sang étaient entreposées au frais en prévision des premiers repas de Tate. Mon regard croisa ses yeux indigo lorsque je m’arrêtai à côté de la table inclinée, que je manœuvrai pour le redresser.
— Bon Dieu, Tate, dis-je d’une voix mal assurée. Tu es vraiment sûr de vouloir faire ça ?
Il tenta de sourire, mais ce n’était qu’un pâle reflet de son sourire habituel.
— N’aie pas l’air si effrayée, Cat. On croirait que c’est toi qui vas mourir, et pas moi.
Je posai la main sur sa joue. Sa peau était aussi chaude que la mienne. C’était la dernière fois qu’il en serait ainsi. Tate soupira et inclina un peu plus la tête.
— Drôle d’histoire, hein ? murmura-t-il. Je me souviens du temps où je ne croyais pas aux vampires. Et aujourd’hui, je m’apprête à rejoindre leurs rangs, avec l’aide d’un enfoiré que je méprise. Ironique, non ?
— Tu n’es pas obligé de le faire, Tate. Tu peux changer d’avis et on annulera tout.
Il prit une nouvelle inspiration profonde.
— Une fois vampire, je serai plus fort, plus rapide, et plus dur à tuer. L’équipe en a besoin… et toi aussi.
— J’espère vraiment que tu ne fais pas ça pour moi, Tate, dis-je d’une voix tremblante de colère. Si c’est le cas, alors tu peux tout de suite descendre de cette table.
— Je vais le faire, répéta-t-il sur un ton aussi emporté que le mien. Tu n’arriveras pas à me convaincre de renoncer, Cat.
Bones m’épargna une réponse en approchant derrière moi.
— C’est l’heure, Chaton.
Je montai dans la petite salle d’observation, un étage au-dessus, où arrivaient les images. Mon oncle était déjà assis et regardait l’écran. Juan, Cooper et Dave entrèrent à leur tour. Comme hypnotisée, je regardai Bones s’approcher de Tate avec la lenteur gracieuse d’un grand prédateur. La respiration et les battements de cœur de Tate se mirent à accélérer.
Bones le dévisagea sans la moindre émotion.
— Tu n’obtiendras pas ce que tu désires, mon pote, mais tu devras vivre avec ta décision pendant le restant de tes jours. Alors, pour la dernière fois, c’est bien ce que tu veux ?
Tate prit une longue inspiration.
— Ça fait des mois que tu rêves de me tuer. C’est l’occasion idéale. Fais-le et c’est tout.
La seconde qui suivit, Bones enfonçait ses canines dans le cou de Tate. Les machines enregistrèrent l’accélération exponentielle de son pouls, puis son corps se raidit, Tate ayant le souffle coupé. Dave me saisit la main et je serrai la sienne en retour en regardant Bones vider mon ami de son sang. Sa pomme d’Adam montait et descendait à mesure qu’il avalait de profondes gorgées du précieux liquide rouge. Les signaux de l’électrocardiogramme ralentirent, s’espacèrent, puis la machine n’émit plus que de brefs bips intermittents. Bones releva alors la tête.
Il lécha les quelques gouttes de sang qui perlaient encore autour de sa bouche avant de sortir un couteau et d’entailler son propre cou. Bones appuya ensuite la tête pendante de Tate contre la plaie en maintenant la pointe de la lame dans son cou pour éviter que la blessure se referme.
La bouche de Tate se mit à bouger ; elle commença par laper faiblement le sang, puis elle l’aspira avec plus de vigueur. L’écran de l’électrocardiogramme se mit à émettre des bruits inquiétants. Bones lâcha le couteau tandis que Tate, les yeux clos, plantait ses dents dans son cou pour le déchiqueter. Bones tenait la tête de Tate, sans même tressaillir alors que ce dernier lui mordait avidement le cou. Les minutes s’écoulèrent et Tate continuait à avaler du sang, ses battements de cœur s’espaçant de plus en plus entre chaque bip jusqu’à ce qu’enfin… le silence se fasse.
Bones arracha la bouche de Tate de sa gorge et recula en titubant. L’électroencéphalogramme se déchaîna tandis que l’électrocardiogramme ne montrait plus qu’une ligne plate. Un violent tremblement parcourut le corps de Tate, secouant les entraves qui le maintenaient attaché à la table. Puis il retomba, immobile. Mort, mais plus vigoureux que jamais.
Les heures passèrent avec une lenteur inexorable. Bones était assis à même le sol de la cellule. Il donnait l’impression de se reposer, mais je savais qu’il ne dormait pas. De temps en temps, son regard se tournait vers le corps immobile de Tate. Je me demandais s’il sentait des changements dans les ondes d’énergie qui émanaient de Tate. En tout cas, l’électroencéphalogramme y parvenait sans problème. Il n’avait pais arrêté de sonner depuis la transformation. Bones avait déjà dû caresser l’idée de le mettre en pièces plusieurs fois, avec tous les bips et les couinements qu’il émettait.
Bones s’était offert deux poches de sang après le… décès de Tate ? ou bien son évanouissement ? Existait-il seulement un terme pour définir son état actuel ? Pourtant, il détestait le plasma conditionné. Un jour, je lui avais demandé pourquoi il ne se nourrissait pas de ce type de sang plutôt que de mordre des gens, il m’avait alors répondu que pour lui c’était comme du lait pourri. Mais avec ce qu’il avait donné à Tate, il avait besoin de reconstituer ses réserves et ne pouvait pas se permettre de faire le difficile.
Juan bâilla. Il était plus de minuit et, jusque-là, nous n’avions rien fait d’autre que regarder le corps inerte de Tate, allongé sur une table. Pourtant, personne ne semblait avoir envie de détourner les yeux de l’écran.
— Allez dormir, je vous appellerai quand il se passera quelque chose, suggérai-je.
J’avais l’habitude des horaires tardifs. Mon statut d’hybride avait ses avantages.
Don me gratifia d’un regard fatigué mais ferme.
— Je pense parler au nom de tout le monde en disant que c’est hors de question. Je reste.
Il y eut des grognements d’acquiescement. Je haussai les épaules, vaincue, et reportai mon attention sur l’écran.
Soudain, sans le moindre signe avant-coureur, Bones se leva. Puis tout à coup, le corps relâché de Tate se mit à bouger frénétiquement. Ses yeux étaient grands ouverts, chacun de ses muscles maintenus par les entraves était tendu, et un hurlement jaillit des haut-parleurs, si inhumain et sauvage qu’il faillit me faire tomber de ma chaise.
— Mon Dieu, grommela Don, qui s’était complètement relevé.
Le cri de Tate s’intensifia au point de devenir insoutenable. Alors qu’il secouait frénétiquement la tête en tentant de se détacher, continuant à hurler comme une créature tout droit sortie de l’enfer, j’aperçus très nettement des canines à l’intérieur de sa bouche.
Bones avait dit que les nouveaux vampires, au moment de leur réveil, étaient tenaillés par une soif brûlante et irraisonnée. C’était exactement ce qui était en train d’arriver à Tate. Balayant du regard la petite pièce où il était enfermé, il ne semblait pas conscient de l’endroit où il se trouvait, ni même de qui il était. Il ne restait plus rien de l’ancien Tate que je connaissais.
Bones ne partageait en rien ma panique devant l’état de mon ami. Il se dirigea vers le réfrigérateur, en sortit quelques poches de sang puis s’approcha de Tate.
Je ne saisis pas ce qu’il lui dit, car les cris de Tate couvraient sa voix, mais je vis les lèvres de Bones bouger alors qu’il laissait tomber l’une des poches directement dans la bouche grande ouverte de Tate. Miam miam ? pensai-je, paralysée. Ou bien cul sec ?
Cela n’avait aucune importance. Tate ne but pas en utilisant l’ouverture prévue à cet effet ; il déchira la poche et son visage se couvrit de rouge. Avec ses mâchoires claquantes, il ressemblait plus à un requin blanc qu’à un être humain. Bones, imperturbable, ôta ce qui restait du plastique du visage de Tate, en évitant habilement de se faire arracher les doigts à coups de dent, puis lâcha une autre poche dans la bouche de Tate. Celle-ci connut le même sort radical que la précédente.
Je détournai les yeux, gênée. C’était ridicule, car je savais à quoi m’attendre — j’en avais suffisamment entendu parler — mais, en être témoin, ce n’était pas la même chose. À ma droite, je vis que Juan s’était lui aussi détourné de l’écran. Il se massait la tempe avec les doigts.
— C’est toujours lui.
Tate s’était soudain arrêté de hurler pour lécher le sang, et la voix de Dave semblait très douce dans le silence. Il nous désigna l’écran d’un signe de tête.
— Je sais que c’est dur à croire en voyant cela, mais Tate est toujours là. Ce n’est que temporaire. Il sera bientôt de nouveau lui-même.
Bon Dieu, j’espérais de tout cœur qu’il disait vrai. Je savais que je n’avais aucune raison de ne pas y croire, sauf que, pour l’instant, Tate semblait plus effrayant que le plus déchaîné des vampires qu’il m’avait été donné de rencontrer. Contrairement à ce que j’avais cru, je n’étais pas prête à voir mon ami dans cet état.
Il fallut cinq poches de sang avant que la lueur démente s’éteigne dans le regard de Tate. Bien entendu, la plus grande partie des deux premières s’était déversée sur son visage et ses épaules, et pas dans sa bouche, car il s’était jeté dessus avec trop de fureur. Finalement, couvert de sang, il regarda Bones et sembla le reconnaître.
— Ça fait mal, dit-il enfin, recouvrant sa voix.
Son ton, terne et cru, me fit monter les larmes aux yeux. Il y avait un tel désespoir dans cette courte phrase.
Bones hocha la tête.
— Ça ne durera pas, mon pote. Fais-moi confiance.
Tate baissa les yeux pour se regarder et lécha tout le sang à sa portée. Puis il s’arrêta… et regarda droit dans la caméra.
— Cat.
Je me penchai en avant et appuyai sur le bouton de l’écran pour que Bones et lui puissent m’entendre.
— Je suis là, Tate. On est tous là.
Tate ferma les yeux.
— J’veux pas que tu me voies comme ça, marmonna-t-il.
Honteuse de ma réaction initiale, je lui répondis d’une voix grinçante.
— Ce n’est pas grave, Tate. Tu es…
— Je ne veux pas que tu me voies comme ça ! répéta-t-il d’une voix hargneuse en s’arc-boutant de nouveau pour briser ses entraves.
— Chaton. (Bones leva les yeux vers l’écran.) Ça le perturbe. Il doit apprendre à maîtriser son désir de sang et ta présence ne fera que le gêner. Autant faire ce qu’il demande.
Ma culpabilité s’intensifia. Était-ce une coïncidence, ou Tate avait-il deviné, d’une manière ou d’une autre, le dégoût que j’avais éprouvé en le regardant ? J’étais vraiment un mauvais chef, et une amie déplorable.
— Je m’en vais, dis-je en parvenant à garder une voix égale. On… on se verra quand tu iras mieux, Tate.
Puis je sortis de la pièce sans me retourner tandis que Tate recommençait à hurler.
J’étais assise à mon bureau, les yeux dans le vide, lorsque mon portable sonna. J’y jetai un rapide coup d’œil et, en voyant s’afficher le numéro de ma mère, j’hésitai. Je n’étais pas d’humeur à lui parler. Mais comme il était rare qu’elle soit debout à une heure pareille, je répondis.
— Salut, maman.
— Catherine, dit-elle avant de s’interrompre. (J’attendis en pianotant sur le bureau.) J’ai décidé de venir à ton mariage.
En entendant ces mots, je manquai de tomber de ma chaise. Je regardai de nouveau mon téléphone pour m’assurer que je ne m’étais pas trompée et que c’était bien elle qui m’appelait.
— Tu as bu ? parvins-je à dire lorsque je recouvrai enfin la parole.
Elle soupira.
— Je préférerais que tu n’épouses pas ce vampire, mais j’en ai assez qu’il se dresse entre nous.
Des extraterrestres l’ont enlevée et remplacée par un clone, pensai-je spontanément. C’est la seule explication.
— Donc… tu viens à mon mariage ? ne pus-je m’empêcher de répéter.
— C’est ce que j’ai dit, non ? répondit-elle, son agacement coutumier faisant de nouveau surface.
— Hmm. Super.
Je n’avais aucune idée de ce que je devais dire. J’étais estomaquée.
— J’imagine que tu n’as pas besoin de mon aide pour tout organiser ? demanda ma mère d’un ton à la fois provocateur et hésitant.
Encore une phrase de ce genre, et ma mâchoire allait toucher le sol.
— J’aimerais beaucoup que tu m’aides, réussis-je à articuler.
— Bien. Tu peux te libérer pour venir manger chez moi ce soir ?
J’étais sur le point de répondre « Désolée, c’est impossible », mais je n’en fis rien. Tate ne voulait pas que je sois témoin de sa lutte pour maîtriser sa soif de sang. Bones partait cet après-midi pour aller chercher Annette à l’aéroport. Je pouvais passer chez ma mère pendant qu’il s’occupait d’Annette et le rejoindre ici plus tard.
— Si on se retrouvait plutôt pour un déjeuner tardif ? Vers 16 heures ?
— Très bien, Catherine. (Elle s’interrompit de nouveau, comme si elle voulait ajouter quelque chose. Je m’attendais presque à l’entendre crier « Poisson d’avril ! », mais comme nous étions en novembre, ça n’aurait pas collé.) On se voit à 16 heures.
Lorsque Bones entra dans mon bureau à l’aube, Dave ayant pris le relais auprès de Tate pour les douze heures à venir, j’étais toujours abasourdie. Entre Tate qui était devenu un vampire et ma mère qui acceptait l’idée que j’en épouse un, c’était décidément une journée mémorable.
Bones proposa de me déposer en se rendant à l’aéroport et de me reprendre sur le chemin du QG, mais je refusai. Je ne voulais pas me retrouver sans voiture si l’humeur de ma mère tournait à l’orage – ce qui était toujours possible – ni risquer de gâcher notre première vraie conversation mère-fille en lui imposant la vision de Bones accompagné d’un autre vampire. Je ne pensais pas ma mère capable d’encaisser plus d’une paire de canines à la fois, et Annette me tapait de toute façon sur le système, même dans le meilleur des cas.
De plus, je ne me voyais vraiment pas expliquer à ma mère qui était Annette. Maman, je te présente Annette. Dans les années 1700, quand Bones était gigolo, elle le payait pour qu’il couche avec elle, mais après plus de deux siècles de parties de jambes en l’air, ils ne sont plus que de bons amis.
Pas question de présenter Annette à ma mère… à moins d’avoir subi une lobotomie avant.
— Je n’arrive toujours pas à croire qu’elle veut me parler du mariage, dis-je à Bones en montant dans ma voiture.
Il me regarda, l’air sérieux.
— Elle ne mettra jamais un terme à votre relation. Même si tu épousais Satan en personne, tu n’arriverais pas à te débarrasser d’elle. Elle t’aime, Chaton, même si elle a vraiment du mal à le montrer la plupart du temps. (Il me lança ensuite un sourire diabolique.) Tu veux que je t’appelle dans une heure sur ton portable pour que tu puisses prétexter une urgence si elle sort les dents ?
— Et si jamais il y a vraiment une urgence avec Tate ? demandai-je. Je ferais peut-être mieux de rester.
— Ton copain va bien. Plus rien ne peut lui faire de mal, à part un pieu en argent dans le cœur. Va voir ta mère. Appelle-moi si tu veux que je vienne la mordre.
Je n’avais vraiment rien à faire au QG. Tate resterait enfermé pendant encore plusieurs jours, et nous n’avions bien évidemment planifié aucune mission urgente. C’était le moment ou jamais de vérifier si ma mère était vraiment prête à enterrer la hache de guerre.
— Garde ton portable à portée de main, dis-je à Bones en plaisantant avant de démarrer.
Ma mère habitait à trente minutes du QG, toujours à Richmond, mais dans une zone plus rurale. L’étrange quartier dans lequel elle vivait me rappelait l’endroit où j’avais grandi dans l’Ohio ; Don l’avait choisi pour pouvoir intervenir rapidement si les choses tournaient mal. Je me garai devant chez elle, notant au passage que ses volets avaient bien besoin d’une nouvelle couche de peinture. Étaient-ils déjà à ce point décrépits lors de ma dernière visite ? Mon Dieu, depuis quand n’étais-je pas venue la voir ?
Mais je me figeai dès que je posai le pied hors de la voiture. Je sentis une vibration le long de ma colonne vertébrale, et le choc n’avait rien à voir avec ma soudaine prise de conscience : je n’avais pas rendu visite à ma mère depuis que Bones était réapparu dans ma vie, des mois plus tôt.
À en croire l’énergie qui irradiait de la maison, ma mère n’était pas seule, mais la personne qui s’y trouvait avec elle n’avait pas un cœur en état de marche. Je fis glisser ma main vers mon sac, dans lequel je conservais toujours quelques lames en argent, lorsqu’un rire froid stoppa mon geste.
— À ta place je ne ferais pas ça, petite fille, dit derrière moi une voix que j’abhorrais.
La porte d’entrée s’ouvrit. Ma mère apparut en compagnie d’un vampire aux cheveux noirs qui me rappelait vaguement quelqu’un ; il tenait presque amoureusement son cou entre ses mains.
En revanche, je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir que le vampire qui se trouvait derrière moi était mon père.